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51e Highland
St Valéry-en-Caux

 

 

Mars 2003
Mise à jour
Janvier 2005

 

 

LES BOMBARDEMENTS

Le 6 juin, au soir, vers 20 h 30, le premier bombardement touche les quartiers est de Lisieux : la gare,   l'hôpital, les écoles Jules Ferry et Michelet, la rue des Petits Jardins, le boulevard Nicolas Oresme,  la rue d'Orival , le boulevard Herbet-Fournet. Une cousine de mes parents est tuée rue d'Orival, son fils, tract.jpg (77706 octets) projeté sous les ruines de la maison d'en face est retrouvé par les sauveteurs. Il sera blessé lors du déblaiement par un malencontreux coup de pioche. Le souffle de la bombe qui a tué sa mère lui a fait traverser la rue ! Ce  premier bombardement a causé la mort de 35 morts et fait de nombreux blessés.

Nuit du 6 au 7 juin : entre 1 h 20 et 1 h 50 a lieu le bombardement le plus meurtrier. Il touche principalement  les quartiers ouest : Saint Désir ainsi que le centre ville. Nous habitions Saint Désir, à l'entrée du chemin de la Cavée, en plein dans la zone touchée ! Des avertissements à la population l'incitant à quitter la ville ont sans doute été lancés mais le vent les a poussés vers la campagne environnante ... toujours est-il que nous n'avons pas eu connaissance de ces tracts ...
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Mes souvenirs personnels ( j'avais 11 ans ) 

" Le 6 juin, tôt le matin et toute la matinée , nous avons entendu un grondement ininterrompu venant de la direction de la côte: c'était le débarquement que tout le monde attendait... Une bonne partie de  la journée, des chars allemands ont traversé la ville. Assis sur une grosse pierre, à l'entrée du chemin de la Cavée, je les ai regardé passer : ils avaient traversé Lisieux, ils pivotaient sur leurs chenilles au carrefour de la rue de Caen et de la route de Dives pour s'engager dans cette direction. Beaucoup de ces chars étaient peints couleur sable.  Il faisait chaud, le goudron fondait, bientôt, le carrefour n'a pas tardé à être défoncé... Quel spectacle...  ( Note :  il s'agissait de blindés du Panzer Regiment 22  de la  21 Pz Division . Ce régiment, commandé par le Colonel Hermann Von Oppeln-Bronikowski, était stationné dans la région de Livarot et se dirigeait vers Caen et la mer. Au cours de son déplacement, il eut à subir de nombreuses attaques aériennes).

Le 6  juin au soir, vers 6 ou 7 heures, j'ai entendu une sorte de souffle bref, venant d'assez loin. J'ai appris un plus tard que c'était le premier bombardement de Lisieux qui venait de se produire vers la gare, le boulevard Herbet-Fournet. On est venu chercher mon père pour aider à déblayer rue d'Orival, là où habitait sa cousine .

Mon père n'étant pas rentré, des amis  voisins,  sont venus dormir à la maison. Nous avions mis des matelas par terre. Avec mon frère, nous étions installés sur le palier.... et nous dormions, tout habillés. 

C'est en pleine nuit,  vers une heure, que les bombes ont commencé à tomber : les explosions se succédaient , un bruit énorme... Je pense que c'est  le carreau du vasistas qui surplombait le palier où nous étions couchés qui, en tombant, nous a occasionné quelques coupures à la tête, on ne s'en est aperçus que plus tard. Nous sommes tous descendus dans le couloir, au rez-de-chaussée. La porte qui donnait sur une écurie était défoncée; par le trou, j'ai vu les maisons d'en face détruites enveloppées de poussière. Dès que nous sommes arrivés dans ce couloir, notre voisin a aussitôt ouvert  la porte qui donnait sur l'extérieur; il nous dira plus tard, qu'ayant eu l'expérience de bombardements en Allemagne, on ne peut plus ouvrir à cause des gravats; ce qui s'est révélé exact.

Combien de temps a duré ce bombardement ? Je n'en ai aucune idée ; longtemps... La maison s'écroulait de partout; nous étions couverts de poussière et de plâtre .

Ma mère est remontée à l'étage chercher une valise qu'elle avait préparée. Qu'y avait-il dedans? Des vêtements et quelques objets précieux sans doute ? Pendant ce temps-là, mon jeune frère  et moi étions restés dans le couloir avec notre voisine. Chaque explosion, nous soulevait de terre ... j'ai vu quelque temps après, l'entonnoir creusé par une bombe à environ dix mètres de l'endroit où nous étions, le mur de la cave et celui du couloir nous avaient protégés !  Ma mère me dira plus tard que , lorsqu'elle est remontée, elle a vu tous les meubles renversés... Nous savions que nous ne pourrions sortir de là vivants ... la prière était faite !

C'est alors qu'il y a eu une accalmie... Qui a décidé que c'était le moment de se sauver ? Je ne me souviens pas. Notre première intention avait toujours été de filer par le chemin de la Cavée et gagner la campagne au cas où un événement comme celui-là se produirait. Nous n'avons pas pu : la maison de la voisine obstruait le chemin. Beaucoup de gens qui s'étaient réfugiés dans une ferme au bout de ce chemin  ont été tués.

 Il ne restait qu'une issue : la route de Dives. Arrivés au bout du chemin, à une vingtaine de mètres de la maison ne voyant pas ma mère venir, j'ai fait demi-tour: elle était aux prises avec un soldat allemand blessé, il s'était accroché à elle et je l'entendais dire : «  Kaput! Madame, kaput... »». J'ai réussi à la dégager et à repousser l'Allemand qui est tombé à terre... La peur donne des forces ... Je l'ai aidée à porter la valise, nous avons rejoint mon frère et les voisins et nous nous sommes éloignés au plus vite. Les bombes ne tombaient plus. Nous marchions dans un enchevêtrement de poteaux et de fils électriques sur un tas de décombres... Des gens appelaient.... l'un, de l'étage d'une maison qui n'avait plus de façade, un autre, depuis le talus sur notre droite.  Des maisons brûlaient.... Nous ne nous sommes pas arrêtés ! 

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La rue Guizot aussi appelée rue  de Dives, c'est là que nous habitions (flèche). C'est par  cette rue que nous avons pu nous échapper. Il n'y avait bien sûr pas de sentier au milieu. C'est également par là que sont passés les chars dans la journée du 6 juin. 

L'église St Désir (celle de 
mon quartier).
L'état des ruines montre
 la violence du bombardement.
Un abbé que je connaissais sortira indemne du
 presbytère que l'on voit
 sur la gauche de la photo.

Les ruines de l'abbaye bénédictine.  20 religieuses seront tuées lors du bombardement. Les archives et objets religieux vieux de 900 ans seront détruits. L'abbaye reconstruite sera réoccupée en 1954 jusqu'en 1993, date du départ définitif de la communauté.

Nous sommes enfin sortis de Lisieux !  Sauvés ! Nous avons fait halte au milieu de la route ! C'est alors que le bombardement a repris... Des éclats tombaient près de nous! Nous avons repris notre marche ..

La nuit était devenue calme, il régnait une pénombre, nous n'entendions plus le bruit des bombes. Quel curieux  effet que de se retrouver en pleine nuit sur une route alors que quelques instants avant nous étions dans l'enfer ! On a du mal à réaliser... Je m'attendais à retrouver les chars qui étaient passés la veille... Nous avons frappé à la porte d'une petite maison en bordure de la route. Les gens nous ont ouvert, ils dormaient et n'avaient rien entendu.... Ils ont quand même vu qu'il s'était passé quelque chose en constatant l'état dans lequel nous étions. Nous avons passé le reste de la nuit chez eux et sommes repartis au matin. Nous n'avons jamais revu ces gens-là.... Nous sommes arrivés dans la matinée à la Pommeraie, dans une ferme dont nos voisins connaissaient les propriétaires . Eux non plus n'avaient rien entendu. Après avoir écouté le récit des événements, ils nous ont installé des matelas et nous avons sombré dans un profond sommeil jusque tard dans l' après-midi .... Je crois que c'est en fin de journée (ou le lendemain) que mon père, après nous avoir cherché dans les fermes aux alentours de Lisieux a fini par nous trouver à la Pommeraie. Il était accompagné de son cousin, sa femme avait été tuée et son fils blessé au bombardement de la rue d'Orival. Bien sûr, il avait trouvé notre  maison en ruines et l'Allemand mort à l'entrée du chemin... mais aucune trace de nous... on peut imaginer son inquiétude ! "

Les équipes de secours de la Défense Passive n'arrivent plus à faire face aux demandes de secours. La situation est tragique. Les prêtres de la Mission de France se dépensent sans compter ...

Lisieux ne sera pas la seule ville bombardée cette nuit-là : près d'un millier de bombardiers Lancaster et Halifax, partis d'une base du sud de l'Angleterre, largueront un peu plus de 3 000 tonnes de bombes sur des carrefours routiers de Caen, Argentan, Coutances, Condé-sur-Noireau, St Lo, Vire ...

D'autres bombardements vont suivre sur Lisieux déjà gravement touchée ::

Le 7 juin, à 14 h, c'est le centre ville qui est visé, la rue au Char, la place Victor Hugo. Les incendies se déclarent. Les pompiers de Lisieux essaient de lutter au prix de victimes dans leurs rangs. ( 3 pompiers sont ensevelis rue St Dominique, 1 est blessé rue aux Fèvres. Le matériel est presque totalement détruit. ) Ils reçoivent le renfort de pompiers d'Orbec sous la conduite d'un sergent.
 
8 juin : la ville brûle, les deux tiers sont détruits. Le mitraillage d'un camion citerne essence met le feu à l'église St Jacques et aux maisons qui l'entourent. Le Préfet, venu à Lisieux, annonce des renforts.

9 juin : les pompiers de l'Air, commandés par un Lieutenant-Colonel,  viennent renforcer ceux de Lisieux. La police essaie d'empêcher le pillage et arrête des soldats allemands soupçonnés. Un agent de police est abattu. Les auteurs de pillages sont aussi des Français. Les pillards s'introduisent partout : les ruines, les caves, les portes de la cathédrale sont enfoncées.

10 juin : une des tours de la cathédrale Saint Pierre prend feu. L'hôtel de Ville et le Carmel sont épargnés.

Un Colonel de la R.A.F. survolant la région rapportera qu'il a vu la fumée des incendies de la ville s'étendre sur à peu près 20 km.

11 juin : nouvel incendie de la cathédrale. Les pompiers réussissent à éteindre.

Du 15 au 21 juin, les bombardements se succèdent, principalement de nuit.

22 juin : la cité du Camp Franc est atteinte à son tour.

Du 23 au 27 juin , un calme relatif règne.

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Les destructions dans 
Lisieux gênent le passage 
des convois allemands. 
Des déviations sont  mises 
en place. Ici, au carrefour 
de l'hôpital, la rue Henry Chéron étant interdite, le contournement se fait par le boulevard Emile Demagny en direction d'Orbec et par le boulevard Duchesne-Fournet en direction de Pont-l'Evêque. On peut également lire un avertissement concernant les pillards.

La rue Henry Chéron en 
direction de la place Thiers.

En fond, la cathédrale Saint Pierre.

Sur la droite, la carcasse  de la halle au beurre et l'amorce de la rue au Char.

 En direction de la cathédrale St Pierre, la place Victor Hugo. 

Le bâtiment intact à gauche de la cathédrale est la banque de France.

28 juin : la ferme Saint Clair, sur la route de St Julien bombardée.

5 juillet : à 10 h 40, le secteur de la gare et la route d'Orbec sont est à nouveau touchés.

8 juillet : la route de Caen reçoit de nouveau des bombes.

Les 9 et 10 juillet il ne se passe rien.

Le 11 juillet, le Préfet donne l'ordre d'évacuer la ville, mais essuie un refus des sinistrés.

17 juillet : des tirs d'artillerie se font entendre à l'ouest de Lisieux.

Du 23 au 27 juillet de nouveaux bombardements de nuit ont lieu.

Le 28 juillet, les Allemands font sauter les ponts de la rue Labbey et de la Sous-Préfecture.

Le 29 juillet, c'est au tour des ponts de la rue Harou ( vers l'usine à gaz) et le pont de Caen. Un bombardement du quartier de la basilique fait des victimes.

Le 3 août, la Feldkommandantur réquisitionne des hommes pour effectuer des travaux de déblaiement.

Le 4 août voit s'amorcer le repli allemand. Dans la nuit qui a précédé, on a pu noter une circulation intense de véhicules de toutes sortes, y compris des voitures à chevaux ... Des déviations ont été mises en place pour contourner la ville. Le décrochage s'accentue ...

Du 7 au 10 août, on entend des tirs d'artillerie dans les environs de la ville. Une aile du château de M. Descours-Desacres , sur la route de Trouville, est détruite. La D.C.A. allemande touche  trois bombardiers, l'un d'eus s' écrase vers St Martin de la Lieue. ( probablement celui que j'ai pu voir à St Jean de Livet, dans une prairie, en bordure de la route de St Martin à Fervaques.)

13 et 14 août : les bombes tombent sur les Buissonnets et dans les environs de Lisieux.
 
Nous étions réfugiés à Prêtreville. Ce jour-là, un groupe de bombardiers est passé au-dessus de nous à haute altitude, ils ont amorcé une courbe dans la direction de Lisieux , j'ai vu alors les bombes sortir des avions, descendre puis disparaître derrière l'horizon. Je n'ai pas entendu d'explosions, c'était trop loin.. J'ai su après qu'elles étaient tombées sur St Martin de la Lieue, au carrefour de la route de Fervaques et de Livarot. ( Le pont sur la Touques n'avait pas été touché. )

Les 15 et 16 août, le repli allemand s'accentue. Des troupes traversent le ville.

Du 17 au 19 août : nombreux tirs d'artillerie. Des obus tombent rue d'Orbec. Les convois allemands continuent de passer.

Le 22 août, les derniers ponts sautent. Les premiers éléments alliés sont à Lisieux !

 

Vue aérienne de Lisieux prise par les Anglais
le 22 août 1944
(Photo L'Eveil)
(Cliquer sur la photo pour agrandir)